13 février 2012 : Lors de « La nuit des réseaux d’Aquitaine»,  Pascal Picq et Juliette Tournand sont réunis pour une conférence-débat autour de «l’intelligence de la coopération ». Je ne résiste pas au plaisir de vous en présenter une synthèse, car les valeurs évoquées : partage, collaboration, diversité, liberté d’innovation…, résonnent fort avec mon maître mot, la confiance !

 

Présentation des intervenants

 

Pascal Picq : paléoanthropologue au Collège de France. Ses travaux s’intéressent aux origines et à l’évolution de la lignée humaine en relation avec celle des grands singes dans le cadre des théories modernes de l’évolution. Son champ d’étude couvre aussi les modalités d’évolution des sociétés, ce qui l’amène à intervenir et à collaborer sur les problématiques du changement et de l’adaptation dans le monde économique et social. Ces travaux l’ont amené à publier : « Un Paléoanthropologue dans l’entreprise » (ed Eyrolles)

Juliette Tournand : auteur de « La Stratégie de la bienveillance ou l’intelligence de la coopération »,« Sun Tsu sens dessus dessous – Un Art de la paix », « Secrets du mental » (InterÉditions). Coach de dirigeants de l’entreprise, elle intervient à l’université Paris Dauphine, au ministère du Développement Durable, à l’université des sciences du sport de Bourgogne et à l’INSEP.

Pascal Picq et Juliette Tournand nous invitent à réfléchir autour de l’idée du changement, de l’évolution et de ses liens avec l’innovation. La théorie de l’évolution de Darwin est la base de la théorie du changement dans la nature. Que nous apprend celle-ci ? Que les grands moments de changement dans l’évolution du monde ont TOUJOURS réuni des personnes de différentes disciplines. Cette interdisciplinarité permet au monde de s’adapter, donc de réussir.

 

Intelligence de la coopération : la théorie de la bienveillance

 

Juliette Tournand nous expose la théorie de la bienveillance, qui offre l’occasion de faire de chaque rencontre une chance. La bienveillance permet de choisir l’état de notre relation avec une autre personne, et de privilégier l’échange gagnant – gagnant. Dans toute coopération, il y a un risque. Comment, dans le jeu des pouvoirs et des business, appliquer la meilleure stratégie possible, celle qui garantit la paix et le succès ? Les jeux et études ont montré que la stratégie gagnante est toujours la plus bienveillante et la plus simple. Je coopère, je suis bienveillant avec moi-même et avec les autres, je ne coopère pas si l’autre refuse, mais je reviens vers lui dès qu’il change d’avis.

La meilleure stratégie relationnelle dans la durée n’est pas la malveillance (la guerre, la confrontation systématique, la loi du plus fort…) mais la bienveillance, c’est-à-dire le moyen de faire gagner chacun et le groupe dans une logique gagnant/gagnant (donnant/donnant). Il « suffit » d’orienter sa propre veille vers le bien, et non vers le mal. Dans « bienveillance », il y a « bien » et « veille », qui représente à la fois la sortie de l’action (un ordinateur est en veille), ou ce qui précède l’action (la veille du jour important…). Avec ses compagnes, la réciprocité, la clarté, la liberté d’innovation, la bienveillance garantit la réussite de la stratégie individuelle et collective. Ces 3 valeurs ou forces sont nécessaires et suffisantes pour gagner à coup sûr.

 

Interdisciplinarité et concurrence

 

Interdisciplinarité

En France, comme en Allemagne, notre système culturel fait que nous cherchons toujours à évoluer dans des filières où nous sommes déjà excellents. Ce n’est pas le cas aux Etats-Unis, où la culture entrepreneuriale est plus ancrée, et où, dans les universités, on « créé son job », à l’image de ce que nous montre David Fincher dans Social Network, le film qui raconte la création du réseau social Facebook par Mark Zuckerberg.

En tant que paléoanthropologue, Pascal Picq travaille sur les problématiques de changement et de l’adaptation dans le monde économique et social. Aujourd’hui, l’enjeu de la coopération est l’entraide, l’interdisciplinarité, la vraie ! Celle qui réunit des personnes qui ont des valeurs différentes. Il faut cesser de recruter nos semblables, des personnes qui ont fait la même école, qui ont les mêmes repères, les mêmes attentes que les nôtres. Entourons-nous de personnalités, de savoir-faire, d’origines, de cultures et de modèles différents.

Concurrence

Pour Pascal Pick, l’intérêt de la coopération s’illustre par exemple dans l’intérêt de la concurrence. Toute entreprise a intérêt à se développer dans un environnement concurrentiel, qui donne des repères, qui pousse à l’innovation et au progrès. On est toujours meilleur ensemble, puis individuellement, dans tous les milieux : sport, économie, relations interpersonnelles…Dans le domaine automobile par exemple, les grands constructeurs ont toujours bénéficié de l’innovation des équipementiers, qui ne peut se déployer que dans un milieu concurrentiel. Si la concurrence disparait, le modèle se déséquilibre, la pression pour la baisse des coûts de production aura à terme des conséquences négatives sur l’emploi, donc sur la consommation, donc sur l’économie en général… Dans le modèle de la communauté des singes, la coopération et la bienveillance, qui est son fondement, sont toujours présentes. Elles sont la plus efficace, à long terme, des stratégies.

La compétition

competition bateaux entraide

La coopération n’exclue pas la compétition, bien au contraire. Elles sont les deux faces d’une même médaille. La vraie frontière se situe entre la compétition et la guerre. Quand la guerre éclate, il n’y a plus de jeux olympiques. Soyons « sport » dans l’entreprise, évitons la guerre, coopérons pour une compétition saine.

Juliette Tournand nous explique le mécanisme concurrentiel des courses au large. La victoire est individuelle, pourtant la réussite est collective. Ensemble, les skippers coopèrent, jusqu’à la victoire finale de l’un d’entre eux. La coopération n’est pas naïve ! Elle permet de gagner à terme, et de gagner plus, ensemble, que ce qu’il était possible de gagner, seul.

Il est extrêmement difficile de changer une équipe gagnante. Changer suppose une vraie remise en question. L’innovation ne doit en aucun cas être le domaine exclusif de la R&D dans l’entreprise. Il faut être à l’écoute, toujours, partout. Si l’on en croit Darwin, toute différence est une potentialité d’innovation. Sa philosophie était celle de la diversité. La diversité, c’est celle qui nous permet de gagner tous les défis.

En conclusion, Pascal Pick nous rappelle que l’homme est le seul grand singe entrepreneur, qui réussit s’il sait s’adapter. Il doit reconnaître ses contraintes, savoir d’où il vient pour progresser, savoir s’entourer pour avancer. Les espèces isolées sont malheureusement promises à l’extinction. La diversité, elle, nous apportera la survie.

 

Intelligence de la coopération, les clés de la réussite

Rappelons-nous  les clés de la réussite :

  • nous centrer sur ce que nous aimons faire, se passionner, en toute sincérité ;
  • aller là où nous sommes bons dans un contexte de marché concurrentiel ;
  • mettre en place les conditions de la bienveillance en étant en veille par rapport à soi-même, uni et concentré.

Nous sommes tous riches de trésors d’adaptation. Nous sommes marqués par notre histoire, nos goûts, notre culture… La réussite, nous la devrons à notre capacité à mettre les personnes en synergie, à faire fonctionner l’intelligence de la coopération. L’innovation n’est jamais à 100 % liée à l’évolution technologique, mais bien à notre capacité à faire travailler ensemble des personnes différentes.

De la diversité, de la coopération, de cette bienveillance, naissent les projets communs de paix et de progrès ✌️