Chose promise, chose due : la deuxième partie de l’interview de Jawad N., longtemps responsable de plateau téléphonique. Il connaît par cœur les centres d’appels, et pour cause, il a commencé sa carrière en tant que téléconseiller en 1997 et a peu à peu gravi les échelons. La première partie était déjà très riche en partage, mais celle-ci, axée davantage sur les collaborateurs, l’est peut-être encore davantage !

 

À quoi ressemble la vie de tous les jours pour un conseiller client ? Et pour un manager d’équipe ?

Le conseiller client répond à toutes les demandes clients qu’il reçoit, tout en participant activement à la vie de l’équipe et respectant les règles du jeu ! C’est-à-dire :

  • respecter son planning (appels entrants, sortants, autres activités…) ;
  • remplir ses objectifs qualitatifs et quantitatifs ;
  • se tenir informé des nouveautés (lire les mails envoyés par les managers et les actualités affichées sur les dashboards) ;
  • participer aux challenges et aux animations du plateau.

 

Côté managers, c’est différent :

  • tous les jours, ils préparent leur brief de lancement de la journée après avoir analysé les résultats de la veille ;
  • pendant leur brief, ils fixent les objectifs de la journée à leur équipe ;
  • ils organisent, en fonction du planning d’activités des collaborateurs, les doubles écoutes quotidiennes (en mode « tabouret » ou en entretien de coaching) ;
  • ils participent à des réunions sur des projets dont ils sont contributeurs (lancement de produit, modification d’outils, projets transverses, pilotage et suivi d’activités du plateau, par exemple) ;
  • ils sont amenés à avoir des entretiens avec leur N+1 très régulièrement : analyse d’activités, business revues ;
  • ils construisent et mettent en place des challenges, s’occupent de l’animation commerciale de celui-ci, briefent animent leur équipe ;
  • ils participent à la montée en compétences de leurs collaborateurs ;
  • ils sont un soutien pour l’équipe → ils savent orienter les téléconseillers vers le bon interlocuteur en cas de pépin, vont à la recherche d’informations, prennent le relais avec un client virulent ;
  • ils font également le lien avec les autres services qui participent tous au bon fonctionnement de l’entreprise (RH, formation, informatique…).

 

On dit souvent que le métier de conseiller client est stressant, qu’il y a beaucoup de turn-over, qu’en penses-tu ?

Parfois, c’est un métier qui n’est pas choisi, donc les managers ont beaucoup à faire pour les intéresser, les motiver et les fidéliser, faire en sorte qu’ils se sentent bien. Lorsque j’étais manager de centre, j’avais très peu de turn-over parce que j’avais réussi à faire en sorte que les conseillers aient du plaisir à venir travailler, ou en tout cas qu’ils se sentent considérés. Pour tous les projets importants, ils étaient partie prenante. Nous leur avons toujours dit que le plateau était le leur, que l’activité était la leur. Nous faisons toujours en sorte de les responsabiliser au lieu de les infantiliser face aux décisions prises. En tout cas, j’ai toujours eu vraiment à cœur qu’ils se sentent écoutés et protégés.

 

Quel est ton plus beau souvenir d’interaction avec un client ?

Ça fait longtemps que je n’ai pas pris le téléphone pour parler à un client, mais sincèrement, mes plus beaux souvenirs, c’est quand j’avais le sentiment de vraiment aider la personne au bout du fil. Que je m’impliquais vraiment, quitte à aller au-delà des procédures. J’aimais être capable de prendre un dossier sous le bras et d’accompagner la personne jusqu’à la résolution de son problème. Il faut être honnête et reconnaître que parfois, dans les grandes entreprises, les procédures amènent à des situations kafkaïennes pour le client. Je me sentais bien quand j’arrivais à leur éviter ça. (NDLA : dans notre jargon, on appelle ça faire preuve de souplesse opérationnelle)

 

Comment le métier de conseiller client évolue depuis quelques années ?

Évidemment, avec le Covid, il a évolué vers le télétravail. Mais à vrai dire, je trouve que le métier en lui-même n’évolue pas tant que ça. Les collaborateurs en revanche, oui. Ils ne jouent plus leur avenir sur un poste : l’évolution les intéresse peut-être moins qu’avant parce qu’elle est moins atteignable qu’avant. Et c’est vrai que dans les postes-clés, les gens sont maintenant installés, et pas forcément prêts à partir.
Le métier de téléconseiller commence à être “ancien” alors que quand j’ai débuté ma carrière à cette même place, tout était à faire et tout était nouveau ! Il y avait une grande place pour évoluer et faire carrière.

 

Quels sont les leviers pour améliorer l’expérience collaborateur ?

Il y a pas mal de choses à mettre en place.

  • Les faire monter en compétences de leur arrivée dans l’entreprise : soigner particulièrement la formation initiale ! jusqu’à leur départ (que ce soit pour une promo interne ou pour leur future entreprise) ;
  • Les faire participer aux projets, à la vie du centre d’appels, en mode collaboratif → ça les fait évoluer, ça leur apporte de la maturité professionnelle et ça les valorise ;
  • Les impliquer dans les challenges et surtout dans l’animation qui va avec. L’animation rythme la vie d’un centre d’appels. Ce n’est pas le gain du challenge en soi qui est le plus important mais bien le sentiment d’appartenance à un groupe ;
  • Leur proposer des missions de tutorat pour les nouveaux arrivants ;
  • Les associer au processus de recrutement en positionnant les candidats en double écoute avec les conseillers avant même l’entretien. Parce que quoi de mieux que d’être en contact avec le terrain dès le début du processus ?
  • Leur faire répondre aux baromètres de satisfaction des collaborateurs pour mesurer la qualité de leur vie au travail et agir pour leur fournir toutes les améliorations en notre pouvoir.

En fait, tout l’enjeu est de leur faire vraiment prendre conscience que le centre d’appels n’appartient pas à une entreprise ou à un comité de direction, il appartient en premier lieu aux conseillers clients qui sont sur le plateau d’appels.

 

On parle beaucoup de symétrie des attentions, comment la mets-tu en pratique ?

Je fais en sorte de fournir un cadre de travail agréable. Pour la petite anecdote, lorsque nous avons dû déménager, les nouveaux locaux ont été co-construits avec les conseillers.
En dehors de ça, on essaye de mettre en place le plus de gamification possible. À titre perso, j’ai deux mots d’ordre, répétés à l’envi aux équipes : “on va s’gêner tiens !” et “ne soyez pas sages, ne soyez pas raisonnables, je ne le serai pas non plus”.
Et enfin, j’ai toujours tout fait pour développer un sentiment d’appartenance et une fierté de défendre notre service et nos résultats. On fait tout pour être “les premiers”. Comme je leur dis aussi : “On joue en Ligue 1”.

 

Pour finir cette interview, selon toi, comment réussir dans le monde de la Relation Client ?

C’est un métier en perpétuelle évolution donc je dirais qu’il faut être en premier lieu adaptable. En plus, on est souvent sollicité pour participer à des projets, donc je pense que pour réussir dans ce milieu il faut accepter d’aller au-delà de sa fiche de poste et s’impliquer dans ces projets transverses.
Au-delà de ça, les opportunités sont nombreuses si on joue le jeu de la mobilité.
Et ce qui est génial, c’est que la relation client est partout aujourd’hui. Dans les PME comme dans les multinationales. Et dans tous les secteurs. Tu peux commencer dans le secteur de la téléphonie, passer dans les assurances ou la banque, dans le service après-vente d’une enseigne de vente de meubles… Il y a de quoi faire !

 

Merci à Jawad d’avoir partagé avec nous son expérience et sa vision de la vie sur un centre d’appels !

Et si la symétrie des attentions vous parle ou vous intrigue, je vous encourage à consulter le site de L’Académie du Service.